Balade en vallée du Tarnon par procuration
« Je fais une pause sur mon balcon, et regarde mes Cévennes qui s'étalent, je vis ma vie de cyclotouriste par procuration, en faisant le tour de mon pâté de maisons » *
Confinement oblige, en ces temps de disette sportive, c’est la vallée du Tarnon qui accapare mes pensées, un petit coin de paradis auquel on ne prête que peu d’attention habituellement, et qui comme par magie prend du galon le temps d'une pandémie. Je vous propose donc une balade virtuelle dans ce qui apparait comme un simple couloir de passage à l’Est des vallées cévenoles, et qui ouvre la voie à tant de destinations magiques :
Le Tarnon forme avec le Tarn et la Jonte la ceinture bleue qui s‘enroule autour du causse Méjean. Si cette vallée ne peut légitimement rivaliser en taille, en verticalité et en renommée avec ses deux prestigieuses consœurs, elle recèle outre son côté secret qui invite à la découverte, de bien beaux atouts sur le plan cyclo-touristique. Les cols qui s’y dressent étant décrits par ailleurs dans le site, c’est sur l’aspect visuel que je m’attarderai.
C’est d’abord à un long voyage dans les temps géologiques auquel on est invité, le Tarnon ayant creusé son lit dans le calcaire du Jurassique entre la can de l’Hospitalet et le causse Méjean jusqu’à mettre à nu en fond de vallée, les schistes, roches métamorphiques vieilles de plusieurs centaines de millions d’années ! Après avoir remonté le temps, remontons à vélo et au plus près de son lit la rivière depuis Florac, là même où elle se jette dans le Tarn :
- A la sortie de Florac, le Tarnon prend la direction du nord vers l’Aigoual siège de sa source, peu après le confluent avec la Mimente qui roule ses eaux limpides depuis le COL DE JALCRESTE. La route s’éloigne quelque peu de la rivière, remontant même allègrement jusqu’au Mazel. Arrivé au carrefour en patte d’oie de la D907/D983, on prendra à droite, délaissant la route en face, pour véritablement entrer dans les gorges sur la rive gauche de la rivière. On traversera successivement le hameau de Salgas puis les villages de Racoules, Vébron et les Vanels. Ainsi tout au long de ces 9 km on aura eu le temps de flâner sur une route pittoresque, sous les falaises de calcaire à sa droite, avec une vue plus ouverte sur les prés, la rivière et le serre de Montgros à l’Est. Pour les amoureux des vieilles pierres, les villages et hameaux typiques méritent un regard voire même un détour. Ils ont été bâtis avec les matériaux dont disposaient les hommes ici : Des blocs de calcaire arrachés à la montagne, des galets de granite dévalant de l’Aigoual remontés de la rivière, et du schiste, notamment pour les toits de lauze. Un patrimoine typique dont le cocktail constitutif est révélateur de la diversité géologique cévenole. On notera également les quelques lieux de baignade prisés des estivants, notamment sous les ponts des villages où l’eau y est toujours plus profonde.
A la sortie des Vanels on optera pour la gauche en sautant un ruisseau (Le Fraissinet), puis on passe sous un court tunnel avant de sauter le Tarnon. Nous voilà sur sa rive droite qu’on ne quittera plus jusqu’en haut du COL DU MARQUAIRES. La première partie de l'ascension longue de 6 km consiste en un faux plat sur une route sinueuse qui suit le lit de la rivière. Les terrasses alluvionnaires propices à la culture du maïs bordent la route avec quelques allées de platanes. On passe à côté du hameau du Gua avec son pont métallique en treillis, peu avant Rousses le Hameau de Montcamp, me rappelle à sa courte et raide rampe d’accès. Dès le village, le changement s’opère en prenant de l’altitude, de plus la rivière n’est plus très visible au profit de son affluent. Ainsi, les 5 derniers km de l’ascension sont plus pentus dans un environnement plus forestier. L'arrivée se situe, comme le départ après un tunnel, long de 400 m celui-là.
Pour les aventuriers, que la remontée de la rivière intéresse, je vous propose, en mode GRAVEL UNIQUEMENT, de prendre à droite un km avant le tunnel en direction de la maison forestière. Vous tomberez sur une piste très peu pentue qui suit la rivière jusqu’au pont de Gazeiral situé au pied du COL SALIDES coté vallée de Seixt. Il vous suffira de suivre la route en face direction « La Bécède », vous longerez ainsi le Tarnon au plus près de sa source.
Nous voilà arrivés à destination, reste à faire le chemin en sens inverse et à «curer» les voies secondaires qui se présentent sur le trajet retour avec de belles bosses à la clé :
- A tout seigneur tout honneur on va commencer par deux ascensions qui mènent au MONT AIGOUAL : Depuis Rousses la montée par Massevaques qui emprunte les gorges du Tapoul pour passer par Cabrillac n’est pas un cadeau. On tourne à gauche au centre du village, on saute le Tarnon, puis on remonte les gorges du Tapoul. Un pont de singe trahit l’aménagement d’un parcours de canyoning qui fait la joie des touristes en été. D’abord en balcon au-dessus des gorges, la route évolue ensuite autour de prairies d’altitude où les bergers parquent les brebis en été. Enfin la route arrive à Cabrillac, où il s’agira de choisir la suite de sa visite...
- L’ascension de l’AIGOUAL par Fraissinet démarre des Vanels, en filant tout droit au lieu de passer sous le tunnel. Au menu, la traversée du typique village de Fraissinet de Fourques, puis les lacets du COL DE PERJURET, cette option permet de poursuivre au pied du causse Méjean et ses falaises de calcaire. Après le passage au COL DE FOURQUES, on retrouve Cabrillac. Tiens ! On peut donc faire une boucle avec l’ascension précédente...
- Le passage à Vébron, est le point de départ de la montée sur le causse Méjean par Villeneuve. C’est une courte mais rude montée que l’altigraphe ci-dessous ne dément pas. Depuis le centre du village et la sorcière qui vous accueille, on se faufile à travers les ruelles étroites du village, puis la route monte sans délai en passant au pied du château. Arrivé au point d’inflexion de la montée, voire à la dernière épingle, un arrêt s’impose tant la vue y est remarquable. La suite se passe sur le causse Méjean avant de redescendre au COL DE PERJURET...
- Depuis Racoules qui fait partie de la commune de Vébron, se présente la montée du COL DE SOLPERIERE par la route cardinale. Je vous propose de lire l’article suivant qui répondra à toutes vos interrogations sur la construction de cette route atypique. Dès le pont sur le Tarnon franchi, la route s’élève sévèrement sur deux kilomètres en lacets serrés à travers la châtaigneraie. Suivent deux kilomètres plus digestes où le paysage plus ouvert offre une vue générale sur la vallée. Enfin le dernier kilomètre qui débute au niveau du hameau de Solpérières est particulièrement pentu, comme l’illustre l’altigraphe ci-dessus commun aux deux ascensions. L’arrivée au col sur la corniche des Cévennes offre entre autres un aperçu de la montée précédemment décrite...
- Nous avions laissé la route en face au niveau du carrefour D907/D983 à hauteur du Mazel au début de l’article. Eh bien c’est par cette route qui mène au COL DU REY par Saint Laurent de Trèves que nous allons terminer notre visite. En préambule, un joli et agréable toboggan se présente sous vos roues avant de traverser le Tarnon, puis c’est la montée sans transition. La route large et bien revêtue monte régulièrement alternant quelques bouts droits entre deux virages serrés. A mi pente, la traversée de St Laurent de Trèves est l’occasion de souffler (quoique...). Et pourquoi pas une visite sur le site des traces de pas de dinosaures ! Reste un dernier tronçon assez droit qui passe à Nozières et sous la can de Ferrières. Cette dernière ascension est particulièrement bien servie sur le plan visuel. L’arrivée au col, n’est pas une fin en soi, on peut rejoindre l’ascension précédemment décrite via le COL DES FAÏSSES...
En conclusion, voilà une bien belle vallée injustement sous-estimée dont la description aura permis, je l’espère, de vous évader. Pour une reconnaissance grandeur nature, il va falloir encore un peu de patience, mais le temps viendra où l'on pourra se dire du haut de ces promontoires : « Le Covid a cédé, il a perdu la bagarre, les cyclos ont gagné c'est leur territoire.»*
* : Toute ressemblance avec une chanson de Jean-Jacques Goldman, serait absolument faite exprès.