Tour de France 2020 : La 6ème étape

Deux ans après une superbe étape qui a vu le peloton du Tour De France (TDF) serpenter sur le mont Lozère, la grande boucle, revient dans le «petit pays» lors de la 6ème étape pour finir au sommet de l'Aigoual, point culminant routier des Cévennes. S’agit-il d’un clin d’œil aux cinquante ans de la création du Parc National des Cévennes (PNC), ou bien les organisateurs sont tout simplement devenus accros à cette région ?

La nouvelle me procure un sentiment partagé : Il y a cette incroyable mise en lumière de mon terrain de jeux favori par la plus illustre des courses, doublé d’une fierté légitime à l’idée d’arpenter les mêmes routes que les « pros ». En même temps j’appréhende la venue de cet encombrant hôte d’un jour : J’ai toujours défendu dans ce site, une autre idée du vélo que celle pratiquée par les coureurs, le TDF avec sa caravane, sa foule, son cortège de véhicules ne sont pas vraiment faits pour évoluer sur les petites routes cévenoles, dans une nature authentique, c’est sûr ils n’adopteront pas le développement durable qui sied si bien à ces vallées préservées.

De ce point de vue, le tracé concocté par l'équipe de Christian Prudhomme a gommé une grande partie de mes inquiétudes au risque de laisser les grimpeurs sur leur faim... Cette étape qualifiée "d'accidentée", selon ASO, évitera les petites routes pittoresques, et leur cortège de paysages uniques sur la majeure partie du tracé : Les exigences du PNC en matière de protection de l’environnement et les précédentes étapes montagneuses depuis Nice ont probablement pesé dans ce choix…
Certes, cette étape du jeudi 03 septembre mettra en lumière une de nos vallées les plus secrètes, mais ce sera sur la toute fin du parcours, pour un final en apothéose ; voyons cela en détails :

Le départ du Teil sur la rive gauche du Rhône, puis le ralliement de la basse vallée de l'Ardèche ne présentent pas de difficultés particulières ; d'autant que les routes principales sont mises à contribution, ainsi les villages de Alba la Romaine, Villeneuve de Berg et St Maurice d'Ardèche seront traversés sans détour. La suite est à l’avenant, le tracé file direct vers le Gard en descendant plein sud en suivant la rivière de l'Ardèche jusqu'à Ruoms, puis contourne le rocher de Sampzon en direction de St Paul le Jeune, le tout sur le réseau principal, ce qui devrait se faire sans douleur pour les rouleurs...

L'entrée dans le Gard, ne va pas changer la monotonie du parcours qui suit très sagement les routes principales en périphérie des Cévennes, les habitants des communes de St Ambroix, les Mages, Alès, St Christol lez Alès, Bagard, Anduze, Tornac, St Hyppolite du Fort et Ganges auront la joie de voir passer la caravane et le peloton sur leur pas de porte. Ainsi, au kilomètre 140, dans les faubourgs de Ganges le tracé n'aura jamais vraiment pris de l'altitude, malgré un dénivelé positif de 1500 m.

Le vrai spectacle sera sans doute pour le téléspectateur, avec les vues aériennes d'hélicoptère que France 2 ne manquera pas de nous faire partager. C’est que sur près de 90 km on longe les Cévennes, alors on va en prendre plein les mirettes à commencer par Banne et son fort, St Ambroix aux portes de la haute vallée de la Cèze et sa collection de petits cols. Puis il y aura Anduze « la porte des Cévennes », Lasalle et son val d’émeraude émaillé de quelques cols «en Cévennes garrigue». Enfin juste derrière la languissante D999, se trouvent les vallées du Vidourle et du Récodier cachées par les montagnes des Cagnasses et de la Fage, cette dernière fait face à la superbe tour médiévale de St Roman de Codières à deux pas du COL DE PIERRE PLANTEE et du COL DU LAC.

L'entrée en Cévennes se sera fait attendre comme une star pour les coureurs, elle en est d'autant plus magique en remontant la vallée du Rieutord en direction de Sumène. La route est belle et large sur un faux plat montant, jusqu'au centre du bourg. Le spectacle, n'est pas que sur la route, il est là, tout autour sur ces gradins en terrasses cultivées qu'on nomme ici faïsses, bancels ou traversiers. Puis c'est la première ascension vers le CAP DE COSTE, cette bosse n'est pas longue, 3 km tout au plus, une paire d'épingles, mais ça va faire mal car la pente y est sévère, et les organismes entamés par l'effort sur le plat seront soudainement contrariés. Lors de la bascule en haut du col, les coureurs n'auront pas l'opportunité d'admirer le point de vue pourtant remarquable sur une partie sud du massif. La belle et rapide descente qui suit, précède encore une portion d'une petite dizaine de kilomètres plats pour atteindre Le Vigan ; les hostilités vont enfin pouvoir commencer...

Les organisateurs ont opté pour le COL DES MOUREZES en préambule au terrible enchaînement LUSETTE –AIGOUAL dont l’ensemble est long de 36 km. Son ascension débute dans la ville même, habituelle transition d'un habitat dense vers des quartiers résidentiels où la densité des habitations décroit inexorablement. Après 6 km sur une pente régulière, c'est l'arrivée au col dont la vue est masquée par les arbres. Notons une plaque gravée d'un passage d'un roman d'André Chamson, académicien et gloire locale disparu en 1983. Une courte et faible descente fait suite à cette première difficulté avant le passage au village de Mandagout (Lieu-dit Beaulieu). La suite, je vous laisse la découvrir par les liens suivants décrivant en détail les ascensions du COL DE LA LUSETTE puis du MONT AIGOUAL.

En conclusion, une belle étape de transition, probablement réservée aux baroudeurs grimpeurs. Un grand bravo à l'organisation dont le tracé saura probablement maintenir le difficile équilibre entre l’intérêt sportif d’une part, et la découverte d’une région classée au patrimoine de l'UNESCO, «terre de vélo par excellence», et dont la préservation est indispensable.
Un parcours au cœur du parc, à travers les vallées cévenoles, serait magnifique. Alors pourquoi pas lors d'une édition future avec à la clé une réduction significative de l'empreinte écologique du TDF, sujet qui devra être nécessairement abordé.